Page 9 - Le Livre des Esprits - 1ere Edition -1857
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INTRODUCTION 13
de la faculté de penser, le principe vital est une chose distincte et
indépendante. Le mot vitalité ne rendrait pas la même idée. Pour les
uns le principe vital est une propriété de la matière, un effet qui se
produit lorsque la matière se trouve dans certaines circonstances
données ; selon d’autres, et c'est l'idée la plus commune, il réside dans
un fluide spécial, universellement répandu et dont chaque être absorbe
et assimile une partie pendant la vie, comme nous voyons les corps
inertes absorber la lumière ; ce serait alors le fluide vital qui, selon
certaines opinions, ne serait autre que le fluide électrique animalisé,
désigné aussi sous les noms de fluide magnétique, fluide nerveux, etc.
Quoi qu’il en soit, il est un fait que l’on ne saurait contester, car c’est
un résultat d'observation, c’est que les êtres organiques ont en eux une
force intime qui produit le phénomène de la vie, tant que cette force
existe ; que la vie matérielle est commune à tous les êtres organiques,
et qu’elle est indépendante de l’intelligence et de la pensée ; que
l‘intelligence et la pensée sont des facultés propres à certaines
espèces organiques ; enfin que parmi les espèces organiques douées
de l’intelligence et de la pensée, il en est une douée d’un sens moral
spécial qui lui donne une incontestable supériorité sur les autres, c’est
l’espèce humaine.
Nous appelons enfin intelligence animale le principe intellectuel
commun à divers degrés aux hommes et aux animaux, indépendant
du principe vital et dont la source nous est inconnue.
L’âme, dans l’acception exclusive que nous adoptons, est l'attribut
spécial de l’homme.
On conçoit qu'avec une acception multiple, l’âme n'exclut ni le
matérialisme, ni le panthéisme. Le spiritualiste lui-même peut très bien
entendre l’âme selon l’une ou l’autre des deux premières définitions,
sans préjudice de l’être immatériel distinct auquel il donnera alors
un nom quelconque. Ainsi ce mot n’est point le représentant d’une
opinion : c’est un protée que chacun accommode à sa guise ; de là la
source de tant d'interminables disputes.
On éviterait également la confusion, tout en se servant du mot âme
dans les trois cas, en y ajoutant un qualificatif qui spécifierait le
point de vue sous lequel on l’envisage, ou l’application qu’on en fait.
Ce serait alors un mot générique comme gaz, par exemple, que l’on
distingue en y ajoutant les mots hydrogène, oxygène, azote, etc. On
pourrait donc dire, et ce serait peut-être le mieux, l’âme vitale pour le